Martinez Zogo : Et les cadavres s’entassèrent dans les placards !

« Notre conscience est un juge infaillible quand nous ne l’avons pas encore assassinée » Honoré de Balzac, La peau de chagrin (1831).

La pertinence de ses analyses au travers de sa plume engagée nous donne une fois encore la possibilité de percevoir les dérives d’un système de gouvernance. Au fil du temps, les victimes ne cessent de s’entasser sous le regard apparemment complice d’une bourgeoisie insensible. Maurice Tetne notre chroniqueur perçe à nouveau l’abcès pour nous présenter la fresque de la déchéance quotidienne d’une société en perte de valeurs et d’éthique.

Yaoundé, capitale du crime ! Comme nous l’évoquions dans notre dernière chronique, il s’impose pour notre pays une relocalisation de ce qui devrait constituer sa ville vitrine. L’année 2023 n’augure rien de bon pour la profession de journaliste au Cameroun. La faucheuse républicaine vient de nous enlever un Martinez Zogo dont le seul crime a été de dénoncer la gabegie financière et la corruption qui sont pourtant un secret de Polichinelle. Pour ceux qui pensaient que Monsieur Biya est un homme cruel, qu’ils se tiennent tranquilles, car il a fabriqué des monstres plus féroces qui s’apprêtent à s’emparer du pouvoir pour une dictature 2.0. Nous ne sommes pas au bout de nos peines. Ce père de famille inoffensif disgracié par les prévaricateurs de la fortune publique et livré en holocauste vient inscrire son nom sur la longue liste des journalistes assassinés et dont les enquêtes mèneront l’opinion vers une distraction judiciaire farfelue sans suite convaincante. Des enquêtes avaient été ouvertes après les assassinats de Germain Cyrille Ngota Ngota (A.K.A Bibi Ngota), Jules Koum Koum et Samuel Wazizi. Bien naïfs ceux et celles qui espèrent que justice sera rendue pour Martinez Zogo en l’état actuel des choses avec un système judiciaire aux ordres de l’exécutif.

Point commun entre tous les assassinats : ils l’ouvraient un peu trop et fouinaient dans des affaires pas claires impliquant des autocrates du régime. Monsieur Zogo, dont le patronyme, comme un signe du destin, n’est pas loin de celui d’un certain Zongo du Burkina Faso tire ainsi sa révérence et quitte la scène comme les autres. L’invariant de la routine aidant, on est en droit d’espérer comme à l’accoutumée une note du gouvernement exprimant sa désolation et condamnant « avec la dernière énergie les actes de cruauté d’une barbarie rare. Toutes nos condoléances vont à sa famille et à ses amis. Sur très hautes instructions du chef de l’État, garant des institutions de la république et de la sécurité des Camerounais qui lui est d’un très grand prix, une enquête a été ouverte afin de faire toute la lumière sur cette affaire ». Le commerce de l’émotion engagé par le tam-tam de Paul Biya que par subterfuge on fait passer pour la chaîne nationale (CRTV) vient déjà salir la mémoire du regretté Zogo. La sous-traitance de l’incompétence qui veut par un coup de force opérer un transfert de pouvoir pour une alternance à huis clos au sommet de l’État risque de laisser plus d’un journaliste sur le carreau. Ce noble métier met dans l’embarras ses praticiens, car en ces heures sombres de l’histoire de notre pays, ils se trouvent dans l’obligation de faire le choix entre porter la voix des faibles, se taire, trahir la voix des faibles ou encore pactiser avec le diable. Un nombre impressionnant d’entre eux a d’ailleurs choisi cette dernière option et mène vie paisible en eaux troubles.

Nous vivons, avec l’assassinat odieux de Martinez Zogo, une véritable démonstration de force par un exercice rituel et érotisé de la domination qui nous donne des bribes de ce que sera l’après Biya au Cameroun, si ceux qui lorgnent le fauteuil présidentiel venaient à prendre le pouvoir. Nous sommes prévenus !

Le musellement des journalistes et, à travers eux, de toute la population camerounaise, est l’objectif recherché par ce nouveau crime. Sa dépouille retrouvée le 22 janvier 2023 est un signal donné à tous les défenseurs de la parole libre. Alors que la peau de chagrin se rétrécit, l’étau se resserre et l’on est en droit de se demander où est passée la conscience de certains acteurs de notre société. Le chemin de la réconciliation pour notre pays sera très long, mais nous pouvons toujours y arriver.

À ceux qui pensent porter le sceptre de l’injustice et être revêtus du manteau de l’impunité, le Créateur le leur rappelle : « Les ténèbres ne régneront pas à toujours [au Cameroun] où il y a maintenant des angoisses ». Que Dieu console nos cœurs meurtris par la perte de Martinez !

Maurice Tetne,

Ex-ouvrier des plantations

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Brice Ngolzok
Journaliste économique spécialiste des questions d'innovation

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