Cameroun-Textile : La lente et inextricable banqueroute de la CICAM

L’arrêt de la partie production de la succursale de Garoua sonne ainsi le glas de l’agonie assurer de cette entreprise sous le regard détourné et complice des autorités de Yaoundé.

L’annonce en janvier dernier sous fond de cri de détresse, de Adoum Abagane le directeur de l’usine de production de la Cotonnière Industrielle du Cameroun de Garoua à propos de l’incapacité de la structure à satisfaire la demande du pagne lors de la fête du 08 mars 2021, sonnait ainsi le glas de la banqueroute de la structure. « La CICAM a un endettement vis-à-vis de la Sodecoton, notre principal fournisseur qui a arrêté de nous fournir la matière première depuis novembre dernier » indique-t-il. Aujourd’hui le constat est clair, les balbutiements en gestation depuis l’amorce de son déclin sont désormais devenus le corollaire de la Cotonnière du Cameroun. Au cœur de cette décadence se trouvent en bonne place : les tensions de trésoreries, la forte dépréciation des outils de production, l’endettement vis-à-vis des principaux fournisseurs (Sodecoton et Eneo), chute drastique des ventes et absence des nouveaux produits.

La gloire éteinte d’antan

 Créée en 1965 et regroupant l’Etat du Cameroun, la banque allemande de développement (DEG) et le groupe textile alsacien DMC, la CICAM envisageait de développer une industrie textile au Cameroun à travers une activité commerciale florissante de cette filière. Un objectif de départ qui va donner de bons fruits. Tout d’abord, la CICAM va s’affirmer comme la locomotive de la sous-région dans son secteur d’activité. Une entreprise en pleine expansion qui offre au consommateur une large gamme de produits textiles, gagnant chaque jour du galon sur l’étendue du territoire national et même au-delà. Ainsi, la structure va intégrer et résister aux crises économiques des années 1985 et 1988. Mieux, elle deviendra le complexe textile le plus important de la région. Pendant une vingtaine d’années, de 1965 à 1985, la CICAM va évoluer dans un environnement porteur atteignant un chiffre d’affaires annuel de 70 millions de dollars américains pour une production de filés dans ses usines de Garoua, de plus de 6500 tonnes. À la seconde décennie, la CICAM bouclera pour l’exercice 1985 avec des volumes records de près de 50 millions de mètres de tissus. Pendant ces années de prospérité, la progression de l’activité s’appuie sur le développement des pays africains, porté par un taux de change élevé du dollar et un prix soutenu du baril de pétrole à plus de 36 dollars. La plupart des quantités produites étant alors absorbées par l’énorme marché Nigérian.

PAGNE CICAM

Période de vaches maigres

Dès 1985, une série d’événements majeurs va brutalement casser la dynamique observée jusque-là dans la société cotonnière.  On peut noter entre autres : La première dévaluation du Naira en Novembre 1985, l’invasion du marché Camerounais par les produits nigérians à des prix extrêmement compétitifs. Combiné à cela, d’autres facteurs internes à l’instar de : La gestion opaque d’une trésorerie totalement embastillée depuis Yaoundé. Toutes ces fluctuations économiques, vont provoquer un effondrement des ventes de la CICAM. En 1988, ces ventes ne représentent déjà plus que 30% de celles de 1985 et va décroître progressivement pour se stabiliser à moins de 20% en 1992. Ce déclin sera encore accentué par la chute du prix de pétrole qui passe de 36 à 15 dollars le baril en quelques mois. Le chiffre d’affaires de la CICAM va alors passer de 23,3 milliards à 7 milliards de FCFA, soit une baisse exponentielle en valeur relative de près de 70%.

USINE-CICAM

Tentatives de Restructuration

Au début des années 90, un ensemble de politiques de réhabilitation va être mise en place notamment : Un protocole d’accord signé à Libreville le 29 juillet 1992 par les représentants des différents gouvernements, entraînant un ensemble de mesures dans le but d’endiguer la crise qui touche l’ensemble de l’industrie textile de la sous-région. Une fiscalité adéquate propre à favoriser les échanges intercommunautaires est également mise sur pied. A l’interne, le plan de la CICAM sera axé sur plusieurs volets à savoir :  L’abandon en 1989 et en 1990 des lignes des produits déficitaires et la baisse des coûts de production. Un plan de réduction des effectifs et une baisse de 8% des salaires stabilisés sur 05 ans est préconisée. De nouveaux contrats d’approvisionnement en coton et en énergie sont renégociés avec la Société de Développement de Coton(Sodecoton) et la Société Nationale de l’électricité (Sonel). Il y aura un apport en liquidités de 5 millions de dollars sous forme d’augmentation de capital à laquelle souscrivent les trois actionnaires.                       

Une batterie de mesures qui n’a jusqu’aujourd’hui pas tenues la promesse des fleurs car la structure traine un lourd passif financier envers de ses principaux fournisseurs. Une mirobolante dette de 1,3 milliards F CFA vis-à-vis de son fournisseur la SODECOTON qui, eu égard à l’incapacité de la CICAM à solder sa dette, s’est vue astreinte de suspendre ses livraisons des inputs à son débiteur. Par ailleurs, son fournisseur d’énergie électrique, Energy of Cameroon (Eneo) a procédé à la coupure de l’électricité suite aux nombreuses factures impayées du désormais géant aux pieds d’argile. Une frilosité qui, malheureusement n’interpelle pas le pouvoir de Yaoundé, bien conscient des difficultés auxquelles est confronté le top management surtout à la veille de la célébration de la Journée Internationale de la Femme, période cruciale au cours de laquelle la structure réalise environ 40% de ses recettes annuelles.

Brice Ngolzok 

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Brice Ngolzok
Journaliste économique spécialiste des questions d'innovation

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