Dossier: Le 6 avril, une date qui fait peur au régime Biya

Cameroon's President Paul Biya reacts during the leaving ceremony for Pope Benedict XVI at the airport in the capital Yaounde, March 20, 2009. A Vatican document coinciding with Pope Benedict's trip to Africa says "outside forces" are complicit with corrupt leaders to fuel wars, traffic weapons and back politicians irrespective of human rights and democracy. The pope left Cameroon on Friday en route for Angola. REUTERS/Finbarr O'Reilly (CAMEROON POLITICS HEADSHOT SOCIETY RELIGION)

Le 06 avril 1984-06 avril 2017:33 ans après…

Le 06 avril est une date qui fait encore peur au système politique de Biya. Ce jour du 06 du mois d’avril, des éléments de la Garde Républicaine avaient tenté de prendre le pouvoir aux mains de Paul Biya, successeur constitutionnel à Ahmadou Ahidjo juste deux années avant. Une poignée d’officiers supérieurs de l’armée camerounaise ont travaillé activement et séparément à faire échec à la tentative de coup d’Etat. Parmi les plus en vue, on cite le général Pierre Semengue. Le site Opinionactu.com publie intégralement le discours des mutins qui ne cesse de tourmenter les proches du régime:

Discours des putschistes

“Camerounaises, Camerounais,

L’armée nationale vient de libérer le peuple camerounais de la bande à Biya, de leur tyrannie, de leur escroquerie, et de leur rapine incalculable. Oui, l’armée a décidé de mettre fin à la politique criminelle de cet individu contre l’unité nationale de notre cher pays. En effet, le Cameroun vient de vivre au cours de ces quinze derniers mois qu’a duré le régime Biya les heures les plus noires de son histoire. Son unité mise en péril, la paix interne troublée, sa prospérité économique compromise, la réputation nationale ternie.

Chers compatriotes,

Vous avez tous été témoins de l’horrible comédie jouée par le pouvoir défunt qui se permettait de parler de libéralisme, de démocratie, d’intégration nationale, alors que, chaque jour, son action bafouait de façon scandaleuse ces hautes valeurs. Les libertés des citoyens telles que dénoncées par la Déclaration des droits de l’homme n’étaient jamais respectées.
La Constitution était ballottée au gré des considérations de la politique politicienne. Le gouvernement et ses agents propulsés à la tête des rouages de l’Etat, agissaient avec comme pour seule devise non de servir la nation, mais de se servir. Oui, tout se passait comme s’il fallait se remplir les poches le plus rapidement possible, avant qu’il ne soit trop tard.
Et, en effet, c’était bien de cela qu’il s’agissait. Enfin, vous pouvez juger du discrédit jeté sur le Cameroun par la parodie de justice que constitue le dernier procès. Aussi, il était temps de trancher le nœud gordien. C’était aujourd’hui. Aujourd’hui, grâce à Dieu, mes chers compatriotes, le cauchemar est terminé. L’armée, sous l’impulsion de jeunes officiers et sous-officiers prêts au sacrifice suprême pour la nation, regroupés au sein du Mouvement “ J’OSE ”, entend redonner sa pleine signification à l’unité nationale et rétablir la détente et la concorde entre les citoyens.
Le peuple camerounais et son armée viennent de remporter aujourd’hui une grande victoire sur les forces du mal et cette victoire sera célébrée par l’histoire avec l’honneur qui lui est dû. Dès maintenant, le Conseil militaire supérieur est amené à prendre un certain nombre de décisions au regard de la sécurité nationale. Et le Conseil militaire supérieur demande au peuple camerounais de le comprendre. En premier lieu, les liaisons aériennes, terrestres, maritimes et les télécommunications sont suspendues jusqu’à nouvel ordre. Le couvre-feu est institué sur l’ensemble du territoire national de 19 heures à 5 heures.
Par ailleurs, la Constitution est suspendue, l’Assemblée nationale est dissoute, le gouvernement est démis ; tous les partis politiques sont suspendus ; tous les gouverneurs de provinces sont relevés et, enfin, sur le plan militaire, les officiers supérieurs exerçant le commandement d’unités opérationnelles sont déchargés de leurs fonctions. L’officier subalterne le plus ancien dans le grade de plus élevé prend le commandement.

Vive les Forces armées nationales ! Vive le Cameroun !”

La riposte de Paul biya
Au lendemain du Putsch le président donne un discours. C’est jusqu’ici l’une des allocutions les plus courtes de Paul Biya depuis son accession au pouvoir en 1982 . C’est avec une entrée forte, un ton très grave et de grands silences :«Camerounais, Camerounaises, le Cameroun vient une fois de plus de traverser une période délicate de son histoire. Hier en effet, le 6 avril, vers trois heures du matin, des éléments de la Garde républicaine ont entrepris la réalisation d’un coup d’Etat, concrétisé par la coupure des liaisons téléphoniques et l’occupation des points stratégiques ou sensibles de Yaoundé, Palais de l’Unité, immeuble de la radio, aéroport, etc., avec pour finalité la main mise par la violence sur le pouvoir politique.»
Quatre jours plus tard (le 10 avril 1984, Ndlr), le ton monte encore, la situation de crise est précise, Paul biya vient d’échapper à la mort. Il entend établir les responsabilités et l’identité des acteurs du putsch manqué. Selon lui, «l’histoire retiendra que les forces ayant participé au rétablissement de la situation comprenaient des Camerounais de toutes origines, sans distinction de leur appartenance ethnique, régionale ou religieuse.» Pour Paul Biya, «La responsabilité du coup d’Etat manqué est celle d’une minorité d’ambitieux assoiffés de pouvoir et non celle de telle ou telle province ou de Camerounais de telle religion.» Cette fois, la clémence prônée par Paul Biya est rangée dans les placards. Le 11 avril,il dissout la Garde Républicaine

Dans un autre discours, le président Paul Biya va évoquer des sanctions en date du 17 mai de la même année. En ses mots il déclare : «Ceux qui ont pris les armes, au mépris de l’honneur et du droit, ont été réduits et arrêtés. Ils viennent d’être jugés par la justice de notre pays et condamnés sans faiblesse et sans haine. A tous, la loi «et la loi seule» a été appliquée. Pour les vrais coupables, le châtiment est la mesure du crime commis contre la nation.» Il ajoute que «Les moins coupables d’entre eux, ceux qui se sont laissés entraîner sans comprendre le mal qu’ils faisaient, commence le temps du remords et, demain, celui du rachat.» Qui sont-ils ces moins coupables ?
Quelques temps plus tard, Paul Biya annonçait la commutation de la peine capitale prononcée par le tribunal militaire de Yaoundé en détention. «L’histoire retiendra que le président de la République, bien qu’il disposât de tous les moyens locaux pour rendre exécutoire la juste sentence du tribunal, a préféré la clémence dans l’intérêt supérieur de la nation et la fidélité aux plus hautes valeurs morales».

Petite chronologie des événements du coup d’Etat du 06 avril 1984 au Cameroun

22 aout 1983 – Dénonciation par le président Biya d’un complot contre l’Etat du Cameroun.
28 février 1884 – La condamnation à mort de Ahmadou Ahidjo, Ibrahim Oumarou, Salatou Adamou est prononcée. Ils seront par la suite graciés. Ce qui va engager la thèse de l’acharnement contre le Nord Cameroun
06 avril 1984 – Tentative d’un Coup d’Etat manqué mené par la Garde républicaine
10 avril 1984 – Discours du président Biya rassurant le peuple de la prise en main de la situation
11 avril 1984 – Paul Biya par décret dissout la Garde républicaine
12 avril 1984 – Le bilan officiel du coup d’Eta est rendu public (70 morts dont 4 civils et 8 soldats loyalistes, 52 blessés, 265 gendarmes disparus, 1053 arrestations)
27 avril 1984 – Ouverture du procès des putschistes à huis clos au Tribunal militaire. Sur les 1053, seulement 436 prévenus
1er mai 1984 – Premières exécutions à Mbalmayo à quelques centaines de mètres du quartier Mécanicien non loin de la nationale Mbalmayo- Ebolowa
15 mai 1984 – Deuxième vague d’exécutions à Mfou
24 mars 1985 – Naissance du Rdpc à Bamenda sur les cendres de l’Unc
17 janvier 1991 – Loi d’amnistie des infractions et condamnations politiques
1992- Rétrocession des biens de quelques putschistes sortis de prison
04 décembre 2000 – Révocation pour compter du 1er septembre 1983 ou du 1er mai 1984 de certains officiers. Décret de révocation repris pour compter de 1993 et mis à la retraite à dates différentes
09 mars 2007 – Rétrocession à Mokolo des concessions à la famille de Issa Adoum et à Maroua de Hamadou Adji
1er février 2008 – Décret portant revalorisation des pensions des officiers putschistes.

Rigobert Kenmogne

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